Le shaman qui faisait trembler les prêtres
Joseph Oumosotiscouchie dit La Grenouille qui vécut autour de 1640 était considéré comme un shaman influent et craint au sein de son peuple. Il savait guérir par les rêves et par l’usage des tambours sacrés. Homme de grande éloquence, il ne craignait pas les prêtres qu’il défiait ouvertement et il s’est longtemps opposé à ce que les Algonquins abandonnent leurs pratiques spirituelles pour se convertir au catholicisme.
Joseph Oumosotiscouchie fut le premier à pointer du doigt vers les hommes de religion comme la cause possible de toutes les maladies qui affectaient son peuple. Oumosotiscouchie avait compris que ces maladies autrefois inconnues de son peuple étaient arrivées en même temps que les hommes blancs. Plus particulièrement, il avait noté que là où les Jésuites allaient s’établir dans une communauté, celle-ci était rapidement victime de ce mal et il n’hésitait pas pointer la religion de Blancs comme la source de ces maux. Lorsqu’il fut lui-même affecté par la maladie, les Jésuites affirmèrent qu’Oumosotiscouchie avait été frappé par la colère de Dieu pour ses propos diffamatoires.
Très proche du chef Tessouat, les deux hommes exerçaient une influence certaine sur le peuple algonquin en général et plus particulièrement sur le puissant groupe des Kichisipirinis. Oumosotiscouchie avait d’ailleurs présenté Tessouat comme son oncle. Les récits historiques ne s’entendent pas sur le rôle de chacun. Si La Grenouille est considéré comme un shaman, on le désigne aussi comme Capitaine (terme utilisé par les Eurocanadiens pour parler des chefs de communauté) des Algonquins Kichisipirinis alors que Tessouat porte lui-aussi ce titre.
En 1643, La Grenouille se converti en même temps que Tessouat, mais sa conversion sera de courte durée et fera dire à plusieurs que les deux hommes n’avaient accepté le baptême que pour se mettre au mieux avec les autorités française. À cette époque, les épidémies avaient ravagé plusieurs nations autochtones dont les Algonquins et les nouvelles attaques des Iroquois avaient affaiblis ce qui leur restait de guerriers. On apprendra que La Grenouille avait auparavant accepté le baptême, mais était rapidement retourné à ses anciennes pratiques.
« Oumasatikouchie avait été baptisé à Trois-Rivières et était un apostat notoire, qui faisait une lutte ouverte aux missionnaires à Trois-Rivières et à Richelieu. Tessouat, non baptisé, était aussi à Trois-Rivières et à Richelieu, le principal obstacle à la prédication jésuite. » (Campeau, 1993, p. 68).
Qu’est-ce qui avait si soudainement provoqué la conversion de La Grenouille et deux jours après lui, celle de Tessouat? On peut supposer que le fait le Sieur de Maisonneuve ait promis de remettre à un arquebuse au nouveau baptisé ait pu jouer un rôle. Parce qu’ils craignaient qu’un jour ces armes puissent se retourner contre eux, les autorités françaises et plus particulièrement les autorités religieuses, refusaient de vendre des armes aux autochtones, même parmi leurs alliés alors que les Hollandais qui avaient établi un poste de traite dans la région de New York n’avaient aucun scrupule à armer les Iroquois. Cette interdiction devait cependant être assouplie et devint même un instrument pour forcer les autochtones à se convertir puisque seuls ceux qui avaient été baptisés eurent le droit de se procurer une telle arme.
Était-ce un élan véritable vers le Dieu des Chrétiens qui poussa Tessouat et La Grenouille à se convertir ou la nécessité de se défendre et de renforcer les liens avec leurs anciens alliés?
Considéré comme un « serpent » par les autorités religieuses, adoré par bon nombre des membres de sa nation, La Grenouille demeure un personnage qui a joué un rôle important dans cette partie de notre histoire.

Image tirée du film « Robe Noire » (1991)